Clavier

31/01/2011 /

Je tape ces mots depuis un clavier Compaq fatigué, celui qui accompagnait le premier ordinateur de la maison, depuis début 2004. Avec ce clavier, j'ai découverts la machine, sa logique, son fonctionnement. Il a accompagné mes premiers pas sur le web, mes premiers jeux, mes premiers textes. Il a écrits mes premiers emails, mes premiers mots d'amours, mes premières lignes de code. Il a vieilli à mon contact et j'ai grandis au sien. Et quand, son service laissant à désirer, je le remplaçai, il trouva place parmi les autres épaves en attente d'une seconde vie.

Le clavier, en sa qualité de première interface entre l'utilisateur et l'ordinateur, est un symbole fort de l'informatique. Pendant la frappe, c'est lui qui écrit, il est l'outil, l'intermédiaire. Comme l'écrivain à sa plume, nous lui confions nos mots, nos données, nos secrets les plus vils. Il faut beaucoup de confiance, ou d'ignorance, pour se mettre ainsi en danger (nous verrions plus loin que le risque est réel), et cet abandon crée un lien.

Alors que la souris, simple objet déplacé, ne demande pas de dextérité particulière, le clavier est un outil qu'il faut apprivoiser. Changez de clavier, et vous serez désorienté (comme moi sur celui-ci, trop mou et pas assez sensible). La position, l'agencement, la taille, l'espacement, la course, la dureté des touches sont autant de paramètres auxquels nos doigts doivent s'habituer. Les programmeurs ont souvent leur clavier de référence (modèles anciens ou répliques, du fait de la forte baisse de la qualité), qu'ils vont parfois jusqu'à transporter avec eux au travail, en voyage.

L'ergonomie du clavier, sa forme et la disposition de ses touches ne sont pas le fruit d'une longue recherche sur les interfaces et la morphologie humaine. Elles ne sont que l'héritage de la machine à écrire. Et si leur forme actuelle est très largement critiquée, les autres modèles (touches en colonnes droites, dispositions Dvorak ou encore Colemak) ne parviennent pas à émerger. Le changement nécessite en effet un réapprentissage et un rééquipement non négligeable (bien que l'investissement soit sans doute rentable à long terme, en raison de la hausse des performances et de la diminution des erreurs).

Un autre gros défaut de la plupart des claviers (mécaniques) actuels est du domaine de la sécurité. En effet, la frappe produit des perturbations électromagnétique qui peuvent être captées à distance (de la pièce voisine, et même plus loin si des masses métalliques amplifient le signal). Après traitement, tout ce que vous tapez peut être enregistré, ce qui s'avère plutôt ennuyeux. Certains technologies permettent de supprimer ces émission, mais elles sont trop coûteuses et rares pour être massivement déployées.

Le clavier, aujourd'hui, est une une position incertaine. Jusqu'ici, sa présence massive dans l'informatique a pu contrebalancer ses nombreux défauts. Cependant, à l'heure des smartphones, des tablettes et de la mobilité du poste de travail, les claviers virtuels multitouch ont fait leurs preuves, et, depuis quelques années, fleurissent des concepts où les saisies se font sur des écrans tactiles à la fois clavier, trackpad, tablette graphique, selon le contexte. L'avenir du clavier n'est donc pas assuré.

Réalisation : Antonin Segault
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